De quoi s'agit-il ?

Cet espace est consacré à la mise en forme des "proses du transcybérien", sorte de carnet de voyages virtuels en ce qui fut la Cybérie (expression consacrée par nos cousins québécois pour dénommer la blogosphère).
Je l'ai imaginé à la façon d'un trajet d'une Moscou à une Vladivostok irréelles, au sein de différents espaces parcourus ainsi que les couloirs des wagons d'un train d'écritures : le transcybérien.
Il sera découpé en plusieurs tronçons s'inspirant de la réalité géographique, et marquant des étapes clefs dans cette alternance de billets d'humeur, de commentaires inspirés, de correspondances plus ou moins intimes, et de portraits au couteau.
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Auteur cybérien post-Poétique.

mardi 4 août 2009

Petite Nova


Il y a un an et trois jours. C'est curieux : j'avais envie de me souvenir. Alors j'ai repris mon agenda de l'an passé : il est resté corné à la dâte du 8 Octobre. Il y a un an et trois jours. C'était l'été indien. Paris indien...
La révolution d'Octobre : j'avais fini de chasser un fantôme. Enfin, je croyais... Entre Novonikolaïevsk et Krasnoïarsk : Atchinsk. Le train s'était arrété. Je ne me souviens plus exactement pourquoi. la guerre ? Peut-être... Je n'étais plus vraiment dans aucun monde, mais Elle, Elle était là.
Atchinsk : un éternuement. A vos souhaits ! A nos amours ! Ratées...
Atchinsk : il fait froid là-bas les 8 Octobre... Elle m'a demandé de me coucher contre Elle. Juste pour dormir ! Juste parce qu'il fait froid ! Alors nous avons dormi et nous avons rêvé, les yeux fermés.
Nous avons rêvé notre rencontre : je crois que ça faisait des mois que nous rêvions notre rencontre. Les yeux ouverts. Mais là, on se serrait fort ! on avait chaud l'un de l'autre ! On était bien ! Vous aimeriez savoir de quoi l'on rêva ? C'est simple : Tout se passait à Paris.
Le quartier latin. Il est un lieu de rencontre incontournable dans le quartier latin, celui des étudiants, des étudiantes, à qui le réel n'a pas encore volé les illusions planantes, les vols à l'étalage de nos vies en démarrage, les stimuli et les tocades qui ravagent.
Le quartier latin à en perdre son gaulois, des ponts qui ne tiennent qu'à nos choix, et la fontaine saint-moi, et nos dragons qui n'obéissent qu'à nos doigts. Le rendez-vous amoureux des images d'Épinal. Audrey et moi : Deux images d'Épinal ! Deux beaux jeunes gens à douze ans de différence ! Et sans aucune déférence ! La fontaine saint-Michel, un samedi avant midi, à l'heure d'affluence...
Audrey.
Petite Nova.
On rêvait...
Lorsqu'on s'est aperçu, je t'ai sentie tressaillir sur cette couchette de troisième classe. Atchinsk. Le métro Sorbonne. La station saint-Mich'. La route de Krasnoïarsk. notre correspondance ? Internet. La Cybérie. Tes mots sublimes. Et ce que tu me confiais :"Mais je ne comprends pas pourquoi tu dis qu'il est trop tard pour toi. Pourquoi l'inspiration est-elle partie quand l'amour est entré dans ta vie ? Tes textes sont magnifiques, même tes mails sont bien écrits. Je sens une culture générale immense, parce qu'il faut, je l'avoue... parfois tes références sont un peu chinoises pour moi."
Alors on s'est vu. Tu m'as reconnu puisque je ne te connaissais ni de près ni de loin. Dans le rêve, j'ai vu tes tâches de rousseur, tes yeux vipérins, comme les miens, ta joliesse, nous étions là dans l'un des cafés les plus chers de Paname, en rêve, mon grand-crème et tes petits serrés... A presque se faire du pied. A sourire. Paris indien. Nous en avons passé des minutes incertaines ; c'est le sommeil paradoxal. Nous en avons révisé des semaines, de nos vies, de nos envies, de nos échecs, ici Paris, ici Londres, ici Moscou, ici ton Italie.
Et tout a dérapé... Le rêve commué en cauchemar : un resto maghrebin et des sahels en sables illusoires, et des marchands de sommeil trop en retard, et mes désillusions en assommoir. Tu m'as crucifié dans nos doux songes : "T'en fais pas : tu vas t'en trouver une autre !"
Mais je me suis réveillé. En sueur. Delirium tremens. Très très mince ! Et la mauvaise odeur !
Atchinsk !
A mes souhait !
A mes amours évaporées !
A ma petite Nova toute effondrée !
A tous nous mots tout dispersés !
Audrey...
Je ne me remettrai jamais totalement de ce râteau.
Parce qu'il lui manque des dents.
Comme un vers manque de pieds.
Comme un verre manque de pied.
Quand tout tombe.
Je suis sorti de la cabine.
Tout était blanc.
Nous étions si loin de Kharbine.
Et tout était un train mourant.
Des draps sales de langueurs intempérantes.
Des draps sales de tant d'heures somnolentes.
Je suis sorti du train à Krasnoïarsk. Tu ne m'as même pas jeté un regard en aumône. Pas une pièce.
J'étais seul...
Je suis seul...
Et pourtant : premier wagon ! Premier compartiment ! Moscou : loin de celle de Vitebsk, celle de Saint Petersbourg, et les corps et les cris de Vincent ! Vincent et Saint Petersbourg ! un roman... un roman tique !
Moscou : De toute façon la gare s'appelle "Saint Petersbourg" ! Alors Vincent : tais-toi et fume dans le couloir ! J'arrive !
Mais laisse-moi regarder ma voisine... Elle est belle ! Je regarde ce qu'elle écrit. J'arrive à lire à l'envers. Normal ! Je suis gaucher contrarié.
C'est une jeune révolutionnaire. Elle a des étoiles dans les yeux tandis que mes fantômes m'enflent les paupières. Il y a la mer du temps, des contrées septentrionales à traverser, nous sommes à Moscou, nous parlerons beaucoup, je l'aimerai sans me déclarer, la route est longue !
Atchinsk.
Le boulevard Saint Michel...
Les ruelles...
Et Paris indien : des filles en débardeur un 8 Octobre, la place rouge d'un soleil grenadine sur le parvis de Notre-Dame !
Des tajines indigestes...
Atchinsk.
Je l'ai poursuivie jusqu'à Nertchinsk.
Elle s'est enfuie en me laissant un leg unique : Son talent.
Comme toute Nova, même petite, c'est un soleil qui s'est effondré pour donner naissance à une multitude d'univers.
Comment ne puis-je l'aimer ? Même ainsi...

Commentaire à Petite Nova

Tu écris des choses merveilleuses super petite nova, tu décris des échos connus, des cibles inconnues, des cribles incertains dont il ne reste que ces vagues de mots, incessamment réitérées, jamais semblables, toujours nouvelles et forcément attendues. Mon Dieu que cet amour a de la chance d'avoir un jour, peut-être, existé, ou de n'être que la vision prophétique du bonheur que tu sauras trouver... A n'en pas douter.